« Sur le fil », une écoute qui se partage

La musique de l’artiste regorge de vitalité. En seulement cinq morceaux, nous percevons l’ambition immense de Jinin. Ce qui frappe en premier dans ses chansons, c’est la sincérité et le fait de ne poser aucune limite à travers les mots et les mélodies. Comme elle le dit dans sa chanson « Terre Brûlée » la musique est ce qui nourrit la vie de la chanteuse : « Il n’y a que la musique qui pourra me sauver…». Cette énergie on peut la ressentir vibrer dans la voix puissante et extrêmement émotive qui émane d’elle lorsqu’elle chante. Il est impossible de rester insensible face à la voix de Jinin, craquelée à la fin de certaines phrases, souvent les plus poignantes d’émotions et de vérité. Car oui, si la musique est si vitale pour la jeune artiste c’est parce qu’elle est le moyen pour elle de dénoncer, de s’engager mais aussi de faire vivre l’espoir.

Jinin ne passe pas par quatre chemins, les mots choisis ne laissent aucun doute sur son constat du monde et sa révolte. Prenons « A  vendre », le deuxième morceau de l’E.P. Les premières notes nous plongent dans une ambiance joyeuse qui contraste fortement avec le sujet abordé par la chanteuse : la société de consommation. Lorsqu’elle clame « Tu achètes » elle s’adresse directement à nous, nous obligeant ainsi à nous questionner sur notre mode de vie, nos habitudes. Les mots sont simples et pourtant plus frappants que jamais, elle n’exclut personne dans son discours alors que résonne tout au long du chant cette phrase poignante : « Connecté l’humain à tout prix, connecté l’humain mais à quel prix ». Ces mots nous hantent longtemps après la fin du morceau…

La plume de Jinin est ainsi un outil de lutte artistique, son écriture reflète la diversité de sa musique. Le but est toujours de délivrer un message mais pour y parvenir, les formes y sont nombreuses. L’écriture poétique est aussi très présente et magnifiquement bien menée. « Sur le fil », titre éponyme de l’E.P, est probablement la chanson la plus lyrique et métaphorique du projet. Pour commencer, la composition de cette chanson est très intéressante et laisse place à une multitude d’interprétations. Alors qu’elle commence telle une berceuse, la chanson parle d’une entité simplement désignée comme « elle ». Cette dernière est décrite comme une personnalité riche et pleine de vie : « Elle est douce, elle est sauvage ». Mais de qui parle Jenin ? D’une personne ? D’une émotion ?  D’une idée ? L’identité n’est jamais révélée. Seulement, cela a peu d’importance, au deuxième couplet, « elle » est plus fragile et finit par se briser tristement. Jinin conclut en chantant « elle est partout ». Cela veut-il dire que cette entité est également en nous ? Qu’ « elle » représente notre lumière la plus intime, à la fois puissante et délicate ? Une chose est certaine, avec Jinin nous sommes sur le fil des mots…

Enfin, il est important de prendre le temps d’écouter cet album car comme le chante Jenin, il est impossible de construire un nouveau monde seul. En effet, « Sur le fil » dénonce l’erreur humaine pour permettre la construction d’un monde solidaire et où les rêves ont leurs places. Dans « Plus d’armes », cette idée est fortement exprimée : « Un champ de blé que l’on aura fait pousser plus tard ». Cette vision du futur semble toute proche et surtout, l’artiste nous inclut dans ce projet plein d’espoir. Ce futur est d’autant plus concret que Jinin décide de fermer son E.P sur « Terre Brûlée ». Cette porte qui semble clôturer le projet est en fait une ouverture sur le monde et tout ce que l’on peut imaginer y construire. Cette chanson est d’autant plus touchante qu’elle sonne comme un remerciement au public, d’ailleurs la présence d’un chœur dans ce morceau souligne l’idée d’ensemble pour déclarer cette phrase magnifique et tendre : « Il n’y a que la musique qui pourra me sauver mais je ne veux pas imaginer ce que pourrait être ma vie sans toi à mes côtés. »